Synopsis
Dans l’Angola de juin 1975, au moment où l’indépendance est proclamée, le pays sombre immédiatement dans une guerre civile. Le film plonge au cœur de ce conflit en montrant comment le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA) s’oppose à deux autres mouvements nationalistes, l’Front national de libération de l’Angola (FNLA) et l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (UNITA), qui sont soutenus par des puissances occidentales.
Bruno Muel
Bruno Muel débute sa carrière dans les années 1960 comme chef opérateur et cadreur sur des documentaires et films engagés. Proche de Chris Marker, Jean-Luc Godard, Mario Marret et Gérard Mordillat, il s’inscrit très tôt dans la mouvance du cinéma politique et coopératif.
Il participe à l’aventure de SLON (Société pour le Lancement des Œuvres Nouvelles) puis de l’ISKRΑ, structures de production collectives créées autour de Marker pour donner la parole aux luttes ouvrières, anticoloniales et sociales.
Muel tourne notamment avec les ouvriers du Groupe Medvedkine à Besançon et Sochaux, partageant leurs outils et leurs colères.
Fiche technique
Production : Unicité
Réalisation : Antoine Bonfanti, Bruno Muel, Marcel Trillat
Montage : Catherine Dehaut, Lolita Cherel
Collaboration : Jorgelino Adrade, Bonga
Extraits : "Angola 63" de Claude Otzenberger
Réalisé avec l'aide de José Luandino Vieira et des militants du MPLA.
"Angola, guerilla du peuple" par Ignacio Ramonet (Le Monde Diplomatique - 1975)
Tous ceux qui attaquent notre « peuple nous accusent d’armer le peuple. » Par son aspect sage, calme, confiant, M. Agostinho Neto force le respect, inspire un indiscutable attachement. Sa voix est chaude, le ton serein, posé, avec toutefois une nuance de lassitude : le leader du M.P.L.A. connaît bien l’origine de ces accusations, il sait que ses adversaires ont tout à craindre, en effet, d’un peuple armé.
Les armes, pourtant, quel dur chemin pour en posséder ! Deux vétérans des F.A.P.L.A., en lutte depuis 1961, racontent leurs premières embuscades à la machette ; ils exhibent les mines artisanales d’alors, en bois, aussi belles qu’une machine d’art populaire, emplies de poudre récupérée sur les obus portugais non éclatés ; terriblement meurtrières. Depuis, les circonstances ont beaucoup évolué ; leurs armes d’aujourd’hui, soviétiques, tchèques, sont parmi les plus modernes ; le colonialisme a été vaincu, la guerre qui se prolonge, disent-ils, les oppose frontalement à l’impérialisme ; elle s’annonce longue.
Ce moyen métrage, réalisé par Marcel Trillat, Bruno Muel et Antoine Bonfanti durant leur séjour cet été en Angola, exprime précisément leur inquiétude de voir les interventions étrangères se multiplier, le conflit s’internationaliser, aux dépens des véritables forces populaires. Les auteurs adoptent franchement, et défendent (il s’agit d’un film militant) les thèses du M.P.L.A. La ligne du plus important mouvement rival, le F.N.L.A., est particulièrement dénoncée : une séquence d’archives rappelle un défilé de l’armée de M. Holden Roberto à Kinshasa (Zaïre) et le commentaire nous apprend qu’« elle est constituée de mercenaires, équipée par les Etats-Unis et entraînée par Israël et la Chine ». Quant à l’UNITA, organisation de M. Savimbl, « personnage charismatique », elle serait sérieusement « soutenue par l’Angleterre, l’Allemagne fédérale et la France ».
Tourné quelque temps après les durs affrontements de juillet dernier à Luanda, qui se terminèrent par l’expulsion des membres du F.N.L.A., le film révèle les pratiques répressives de cette organisation « purement militaire, entièrement coupée du peuple » ; des photos, commentées par un officier portugais, montrent un charnier dans la banlieue de Luanda, où les cadavres mutilés de femmes, hommes et enfants sont empilés pêle-mêle. « Cinquante-huit morts et cinq blessés, c’est l’œuvre du F.N.L.A. », confie le militaire.
Dans l’immeuble qui fut le siège du Front, la caméra nous introduit dans la sinistre pièce réservée aux tortures ; une partie du matériel est encore en place, minable et horrifique : des cordes, des fils métalliques, un fauteuil Voltaire aux ressorts apparents, agressifs, noircis de fumée, des taches de sang sur les murs et, dans l’air, sous une lumière blafarde, comme la trace des cris. Un homme-momie, la tête et le corps totalement entourés de bandages, raconte ses souffrances aux mains « des bourreaux du F.N.L.A. » : enlevé, roué de coups, il a ensuite été arrosé à l’acide chlorydrique.
Essayant de s’imposer par la terreur, le F.N.L.A. bombardait au mortier les muceques (bidonvilles) de Luanda, fiefs indiscutés de M. Neto. Des entretiens effectués dans la rue révèlent les Luandais effectivement effrayés de leur insécurité, leur propre vulnérabilité ; les indécis eux-mêmes ont alors choisi de prendre les armes aux côtés du M.P.L.A. pour garantir la sécurité du peuple et imposer le départ des hommes du Front.
La paralysie économique est l’autre grand problème auquel est confronté le mouvement de M. Neto ; le départ précipité des techniciens portugais et le sabotage des grandes sociétés en sont la cause. Un syndicaliste angolais analyse avec lucidité la situation et propose des solutions politiques, parmi lesquelles la remise aux ouvriers des principales entreprises : « Sans pouvoir ouvrier, pas de victoire possible », déclare-t-il.
Les choses vont vite en Angola, et ce film, dans la longue guerre civile qui commence, risque tôt d’être recouvert par des événements plus récents ; pour ses auteurs, toutefois, l’essentiel ne peut varier ; ils ont choisi leur camp : face « aux forces de la réaction », le M.P.L.A. leur paraît défendre les intérêts authentiques du peuple commun, « parce qu’il est l’héritier de la lutte populaire et de la tradition intellectuelle progressiste » ; ils le considèrent comme le seul facteur « antiraciste et antitribaliste » d’unification de la nation angolaise.
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