Synopsis
Sur l’île de Tahiti, en Polynésie française, le Haut-Commissaire de la République De Roller, représentant de l’État Français, est un homme de calcul aux manières parfaites. Dans les réceptions officielles comme les établissements interlopes, il prend constamment le pouls d’une population locale d’où la colère peut émerger à tout moment. D’autant plus qu’une rumeur se fait insistante : on aurait aperçu un sous-marin dont la présence fantomatique annoncerait une reprise des essais nucléaires français.
Le film est suivi d'un entretien avec le réalisateur Albert Serra (27mn)
Le film vu par les mutins
Pacifiction - Tourment sur les îles réalise plusieurs prouesses. Dès le premier plan, nous voilà plongé dans une ambiance, un rythme, un monde... Tahiti. Mais on est loin de la pub pour un savon liquide. Certes, il y a l'apparence nonchalance du haut commissaire de l'Etat joué à merveille par Benoit Magimel mais le climat s'alourdit peu à peu... le poids de la rumeur du retour des essais nucléaires sur la zone. Autour de lui, tout le monde joue avec ce naturel si rare dans le cinéma français. Petit à petit, sans pour autant avoir sorti les grosses pancartes, le film se politise considérablement et entre dans le fond du fond. Et il y a ces scènes immergées dans l'environnement de l'île, d'une puissance inouïe. Les danses traditionnelles et les combats de coqs, les habitants qui font avec cette lourde présence aux relents colonialistes, la présence militaire, la barbouzerie, la boite de nuit, la mer, la vague. Dans cette magnifique scène sur les rouleaux de vagues, jamais surf n'a été filmé avec autant de puissance sans quasiment filmer les surfeurs. À partir de là, on sait qu'on est devant un cinéaste qui considère son environnement avec attention, qui pense encore, qui cherche, tâtonne, trouve. On comprend pas bien comment il fait, par exemple, pour obtenir ce naturel chez les comédiens professionnels ou non. En tout cas, ça marche. Sauf si vous faites partie de ces impatients trop shooté à Netflix, le film vous prend comme les vagues et finira peut-être par vous emporter et même vous retourner sur la plage. Plus qu'une métaphore sur le monde qui bascule vers la guerre et le fascisme, le film ose aller profondément dans le politique dans une hypothèse finale bouleversante. L'entretien avec Albert Serra, qui suit le film (restez après le générique!), donne quelques éléments sur la méthode, sa façon de tourner, son rapport aux caméras, aux acteurs, sa recherche, une pensée à l'oeuvre, un geste cinématographique. Ce film nous a totalement réjouit.
Prix reçus
- Benoit Magimel a reçu le César du meilleur acteur pour ce film.
- César 2023 de la meilleure image/photographie
- Prix Louis-Delluc 2022
- Lumières 2023 : meilleure mise en scène, meilleur acteur pour Benoît Magimel et meilleure image
- Prix Gaudí 2023 : meilleur film en langue non-catalane, meilleure direction artistique et meilleure photographie18
- Prix du Syndicat français de la critique de cinéma et des films de télévision 2023 : meilleur film français, film singulier francophone.
Revue de presse
L’Humanité : Un film puissant, d’une audace cinématographique rare…
Les Cahiers du cinéma : Pacifiction – Tourment sur les îles est un film ahurissant, un grand paquebot à la dérive sur un océan de rêves obscurs, un magma de fictions grouillantes, reparti injustement bredouille de Cannes tout en étant le seul à braver l’inconnu, ce territoire de cinéma à la fois réel et fantasmé que Chris Marker aurait appelé un « dépays ».
La septième obsession : En résulte non seulement un film grandiose, mais aussi la matrice d’un cinéma aux potentialités renouvelées.
Les Fiches du cinéma : À travers le quotidien d’un haut-commissaire d’État à Tahiti, Serra dépeint une société qui continue mécaniquement à faire les mêmes gestes tandis que son âme est en proie au dérèglement. Un bloc d’images et de sons sensuel et inquiétant : une véritable apparition.
Bande à part : Un film envoûtant à la frontière du thriller politique et de l'essai poétique avec un Benoît Magimel magistral.
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