Synopsis
Cité des Bosquets, à Montfermeil en Seine-Saint-Denis. De retour chez lui après avoir purgé une double peine, Kamel tente, avec le soutien de sa famille, de se réinsérer dans le monde du travail. C’est alors qu’il devient l’observateur impuissant de la décomposition sociale de son quartier. Récompensé par le prix Louis Delluc, le film de Rabah Ameur-Zaïmeche (Dernier Maquis, Bled Number One…) dresse un constat enragé – mais pas désespéré – de l’état des banlieues françaises en 2002. Sans fioritures et évitant les clichés écumés par la presse, le jeune cinéaste a invité la fiction au cœur du quotidien à vif des habitants d’une cité emblématique de Seine Saint Denis, quelques années avant les émeutes de 2005. De l’énergie brute canalisée par des éclats d’humour et de poésie.
Pas un film sur la cité, mais un film qui vient de la cité
Kamel (Rabah Ameur-Zaïmeche) est un jeune homme victime de la double peine : cinq années de prison et, au bout, le renvoi en Algérie, pays qu’il ne connaît quasi pas. Le film débute alors qu’il revient clandestinement sur le territoire français, espérant trouver un travail, se réinsérer et retrouver sa nationalité. Rabah Ameur-Zaïmeche sait de quoi il parle lorsqu’il réalise ce film prenant pour cadre la banlieue. Il y a grandit et a suivit des études en sociologie urbaine. C’est d’ailleurs à la fac que lui vient l’envie de réaliser un film. Il ressent le besoin de répondre à ces « élites » qu’il entend à longueurs de journées parler entre elles de la crise des banlieues. Il veut s’adresser à tous et le cinéma lui semble à ses yeux l’outil idéal pour y parvenir.
N’attendant pas de financement extérieur il se lance à l’arrache dans l’aventure du tournage. Il filme en DV, à Montfermeil, plus précisément dans la cité des Bosquets où il a grandi. Il produit son film en vendant les parts qu’il possède dans l’entreprise paternelle et fait participer sa famille et ses amis au tournage. RAZ est porté par l’envie de répondre à l’image de la banlieue véhiculée par les politiques et les médias dominants. Il ne veut pas faire un film sur la cité, mais un film qui vient de la cité. Rabah Ameur-Zaïmeche trouve dès son premier film (qu’il co-écritavec Madjid Benaroudj, le créateur du label hip-hop Assassin Productions) ce double mouvement sur lequel il fondera ses réalisations suivantes : un souci documentaire - marquée ici par l’usage de la DV et par la façon dont le cinéaste s’immerge dans la banlieue, fait corps avec la cité et ses habitants – porté par une mise en scène formaliste et poétique.
Pour RAZ, il ne s’agit pas au prétexte qu’il filme la vérité de la banlieue (du moins sa vérité) de patauger dans le réalisme : il a des envies de cinéma, des images, des sons et des couleurs plein la tête. Ce n’est pas parce que l’on parle de la banlieue, du ghetto, de la misère, de la violence, du racisme que la forme doit singer celle des reportages télé. Or, il s’avère que dans le cinéma français, dès que l’on se tient dans le courant réaliste, la mise en scène se cale automatiquement sur le langage télé : caméra portée tremblotante, décadrages, flous bougés... toute une grammaire réutilisée de film et en film qui, si elle peut être très pertinente dans certains cas, se trouve surtout vidée de toute signification à force de répétition. RAZ souhaite lui faire du cinéma et, se faisant, sa mis en scène esthétisante, travaillée, devient un geste politique.
Le film parvient ainsi à nous intéresser, à nous réjouir, sur le plan politique et social et sur le plan du cinéma. Pour le premier, on note le discours très construit, très pertinent du cinéaste sur la mixité, la double peine, l’appareil répressif mis en place par l’Etat français. Tout un discours qui passe parce que RAZ sait mettre ne scène des personnages riches et vivants qui échappent à la catégorisation, aux clichés. De la même manière, il rejette tout didactisme, refusant de dicter au spectateur ce qu’il doit penser, comment il doit réagir. Il n’use pas plus de la démagogie, d’une caractérisation facile des personnages ou du manichéisme des situations. Les forces de police sont bien sûrs pointées du doigt mais RAZ montre parallèlement comment pour les jeunes des cités qui ont pour héros Mesrine, la violence n’est qu’un exutoire et que jamais ils ne se posent la question de la canaliser pour un usage politique. C’est un jeu qui se joue à deux : les flics stigmatisent la population des cités comme étant dangereuse et les jeunes deviennent finalement ce que l’on attend d’eux, des « caillera » qui vont nourrir la machine en faisant les choux gras des médias, complices de la politique de stigmatisation des gouvernants.
RAZ filme la complexité de la cité, la façon dont une multitude de groupes coexistent et peinent à se relier, la façon dont de multiples clivages traversent la banlieue et comment toutes ces différences (ethniques, culturelles, religieuses, générationnelles ou sexuelles) sont des sources potentielles de conflits lorsqu’il n’y a pas de soupape de sécurité, par d’ouverture sur l’ailleurs. Et comme tous ces thèmes, ces réflexions passent par les actions des personnages et non par le discours, « Wesh Wesh » est un film politique des plus stimulants.
Du côté du cinéma, ce premier film porte d’évidence la marque d’un grand cinéaste (il obtient d’ailleurs le prix Louis Delluc) et ce malgré quelques effets un brin faciles (les flics floutés comme un juste retournement des clichés) et de menus ratages. La façon dont Ameur-Zaïmeche filme les lieux impressionne tout particulièrement. Il y a chez lui une manière de saisir l’espace de la cité par des séries de panoramiques, de travellings ou des mouvements de caméras verticaux glissant sur les façades des immeubles qui force le respect. Il y a aussi cette cage d’escalier colorée qu’il transforme en un lieu de refuge et d’échange, cette préfecture qui devient un inquiétant navire de guerre ancré en territoire ennemi ou encore la cité qui s’endort alors que la nuit tombe... bref, le regard d’un artiste en devenir. Il y a aussi la façon dont RAZ monte son film, parfois naïvement, souvent brillamment. Il joue ainsi savamment sur la coexistence de scènes brutales, observation crue du quotidien, et d’écarts poétiques, passant d’Assassin à Coltrane, du deal de shit à une partie de pêche improvisée au bord d’un lac.
Porté par le besoin de parler de la cité, RAZ se révèle finalement en tant que cinéaste, à nos yeux mais aussi aux siens tant il semble se découvrir en même temps qu’il filme. « Wesh Wesh » nous frappe par sa réalité brute, par la vérité qui émane des personnages et des situations, mais surtout par la volonté de Rabah Ameur-Zaïmeche de s’affranchir du réalisme et de nourrir une vision sociale et politique par une réflexion esthétique.
Olivier Bitoun (DVD Classik)
Revue de presse
Libération : "Le film est comme cette balle que vient frapper ce club de golf : rapide mais en suspens, lancé vers le ciel (vous en connaissez beaucoup, des films de banlieue, où les ciels sont omniprésents dans le cadre ?) le plus haut possible, pour ne retomber sur le sol qu’en y laissant une marque profonde. Qui a dit "nécessaire" ?"
Télérama : "Rabah Ameur-Zaïmeche bâtit la fiction avec des blocs de réalité brute où des interprètes sous pression jouent - et parlent - leur vie avec un aplomb formidable."
Aden : " De tous les films consacrés à la "banlieue", Wesh wesh... est l’un de ceux qui nourrissent le mieux la réflexion. Un film que les politiques responsables pourraient se passer en boucle."
Fiche technique
Réalisation : Rabah Ameur-Zaïmeche
Scénario : Rabah Ameur-Zaïmeche et Madjid Benaroudj
Photographie : Olivier Smittarello
Montage : Nicolas Bancilhon
Musique : Assassin, NAP
Lire la suite